L’origine de l’oxygène dans les stratosphères des planètes géantes

Une découverte majeure de l’Infrared Space Observatory (ISO) a été la déteection de la vapeur d’eau dans les stratosphères des planètes géantes et de Titan (Feuchtgruber et al. 1997, Coustenis et al. 1998). Il en résulte que ces planètes ont des sources externes d’oxygène, car l’eau condense aux températures basses de leurs tropopauses et ne peut donc pas être transportées de niveaux profonds où elle est également présente.

Cet apport de matière oxygénées se manifeste non seulement au travers de la présence d’eau, mais également de monoxyde de carbone (CO) et de dioxyde de carbone (CO2). Il peut avoir plusieurs sources :

  • Les poussières interplanétaires (Interplanetary dust particles, produites par les collisions entre astéroïdes et par l’activité des comètes (Prather 1978, Landgraf et al. 2002)
  • Les anneaux et satellites glacés (Strobel and Yung 1979, Prangé et al. 2006)
  • L’mpact de comète du type Shoemaker-Levy 9 (SL9) (Lellouch et al. 1995).

Il est important d’estimer l’intensité relative de ces sources pour mieux comprendre la production de poussières à grandes distances héliocentriques (Kidger et al. 2003, Moses and Poppe 2017), l’ionisation et/ou le transport de matière solide et gazeuse depuis les anneaux et satellites jusqu’aux hautes atmosphères (Connerney 1986, Cassidy and Johnson 2010, Moore et al. 2015), et la fréquence d’impact de comètes dans le Système Solaire externe (Zahnle et al. 2003).

Avec Herschel, Odin et le JCMT, j’ai obtenu de nouvelles preuves sur l’origine d’espèces oxygénées dans les stratosphères des planètes géantes.

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Le programme clé de temps garanti Herschel HssO

Le télescope spatial Herschel (Pilbratt et al. 2010) a été lancé le 14 Mai 2009, pour étudier l’Univers dans le domaine submillimétrique. Il embarquait trois instruments : l’Heterodyne Instrument for the Far-Infrared (HIFI ; de Graauw et al., 2010), le Photodetector Array Camera and Spectrometer (PACS ; Poglitsch et al., 2010), et le Spectral and Photometric Iaging Receiver (SPIRE ; Griffin et al., 2010).

Le programme clé de temps garanti Herschel “Water and related chemistry in the Solar System” (PI: P. Hartogh, MPS, Germany), also known as “HssO” (Herschel Solar System Observations), se donne pour objectifs de déterminer la distribution, l’origine et l’évolution de l’eau et de ses isotopes dans les atmosphères de Mars, des planètes géantes et de Titan, et de comètes (Hartogh et al. 2009).

Le rapport D/H a été mesuré dans les atmosphères des planètes géantes et de quelques comètes pour contraindre la composition des glaces primordiales du Système Solaire (Feuchtgruber et al. 2013, Lis et al. 2013, Bockelée-Morvan et al. 2012, Hartogh et al. 2011). Le cycle de l’eau sur Mars est étudié en suivant l’évolution temporelle du profil vertical de l’eau. L’inversion des profils verticaux de l’eau dans les planètes géantes est une des clés pour évaluer les sources externe d’oxygène et leur intensité.

J’ai été impliqué dans la préparation et l’exécution du programme HssO depuis 2005. Je suis responsable de la thématique scientifique “Spatial distribution of water in Jupiter and Saturn”. En 2009-2010, j’ai participé aux travaux de l’Instrument Control Center pour la calibration en vol de l’instrument HIFI (Roelfsema et al. 2012).

Site web officiel HssO : https://www2.mps.mpg.de/projects/herschel/HssO/

Référence: Hartogh et al. 2009, Planetary and Space Science 57, 1596-1606.

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Une origine cométaire pour le CO stratosphérique de Saturne ?

Déterminer l’origine du CO (monoxyde de carbone) dans la stratosphère d’une planète géante est plus compliqué que pour l’eau, car ce composé ne condense pas aux tropopauses de ces planètes. Il peut donc provenir non seulement de sources externes (poussières interplanétaires, comètes, anneaux/satellites glacés), mais aussi de leurs intérieurs riches en oxygène. L’abondance d’oxygène profond des planètes géantes est une des clés pour comprendre leur formation, car il nous renseigne sur la quantité de glace disponible pour former les noyaux de ces planètes. L’étude de l’origine de CO permet ainsi d’étudier la formation des planètes géantes ainsi que leurs interactions avec leur environnement. Par exemple, pour Jupiter et Neptune, Bézard et al. (2002) et Lellouch et al. (2005) ont démontré que CO avait une origine double (interne et externe).

Ca a été détecté dans Saturne par Noll et al. (1986). Des observations complémentaires de Noll et Larson (1991) n’ont pas permis d’en déterminer l’origine et la question restait ouverte depuis.

En combinant des observations à 345 et 691 GHz de CO dans Saturne avec le James Clerk Maxwell Telescope (JCMT), et en couplant ces observations avec des modèles de transport vertical, j’ai montré que CO avait probablement été apporté par une comète, il y a quelques siècles.

CO à 345 et 691 GHz dans Saturns, observé avec le JCMT. Les lignes blueues et vertes correspondent à des sources permanentes (e.g. poussières interplanétaires), et aucune d’elles ne reproduit les observations. Par contre, un modèle d’apport cométaire permet de coller aux données.

Références: Cavalié et al. 2009, Icarus 203, 531-540. Cavalié et al. 2010, Astronomy and Astrophysics 510, A88.

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