Nous publions aujourd’hui, dans la revue Astronomy et Astrophysics, la première détection directe de vents violents stratosphériques au niveau de la zone équatoriale et sous les aurores de Jupiter. Nous avons réalisé ces observations avec l’interféromètre ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) au Chili.
La détection de l’eau dans l’atmosphère supérieure (i.e. stratosphère) des planètes géantes par l’Infrared Space Observatory (ISO ; Feuchtgruber et al. 1997) a soulevé la question de son origine. Le piège froid troposphérique de ces planètes empêche le transport efficace de l’eau depuis leurs intérieurs (supposément riches en eau) vers leurs stratosphères à cause de la condensation. L’eau observée par ISO a donc une origine externe et résulte de l’ablation de micrométéorites qui proviennent de la poussière interplanétaire ou de leurs anneaux/satellites glacés, ou encore de large impacts cométaires. Tandis que l’eau stratosphérique de Jupiter provient des impacts de la comète Shoemaker-Levy 9 en 1994 (voir ce post), la situation de Saturne demeurait incertaine.
La sonde Cassini a détecté des geysers d’eau au niveau du pôle sud d’Encelade, une petite lune glacée de Saturne, en 2006 (Porco et al. 2006, Waite et al. 2006, Hansen et al. 2006). Les premières observations de Saturne par le télescope spatial Herschel ont prouvé que cette eau forme un tore à une distance de 4 rayons de Saturne de la planète, c’est-à-dire à la distance orbitale d’Encelade (Hartogh et al. 2011 ; voir ce post). Des modèles prédisaient qu’une fraction de l’eau émise par les geysers d’Encelade finaissait par tomber dans l’atmosphère de Saturne (Cassidy et Johson 2010). Il ne manquait plus qu’une confirmation observationnelle pour boucler la boucle.
Cette pièce manquante a été obtenue à partir de cartes de l’émission de l’eau dans la stratosphère de Saturne mesurées par Herschel en 2010-2011 avec l’instrument PACS (Photodetector Array Camera and Spectrometer). L’analyse des données démontre que la distribution méridienne (i.e. nord-sud) n’est pas uniforme (comme on l’attendrait dans le cas d’un apport par les poussières interplanétaires ou par un impact cométaire ancien) : elle est maximale à l’équateur et décroît exponentiellement vers les pôle. Sa distribution peut être modélisée par une gaussienne centrée sur l’équateur et de lageur à mi-hauteur de 25° de latitude. Ce résultat corrobore les prédictions des modèles d’apport par les geysers d’Encelade.
Lors de ses orbites finales, la mission Cassini a détecté un flux extraordinaire de particules provenant du plan des anneaux (Waite et al. 2018, Perry et al. 2018). Ce flux est plus fort que le flux d’Encelade de plusieurs ordres de grandeur. Il semble qu’il soit assez récent et demande à être confirmé par de nouvelles observations.
Référence: Cavalié et al. 2019, Astronomy and Astrophysics 630, A87.