Dans le cadre du premier SLOT (Séminaire en ligne Off-The-Shelf) de la Fédération Nanosats le 13 novembre 2025, Konstanze Zwintz (Innsbrurck university) est revenue sur les 14 années de science générée par les observations de la constellation BRITE. Avec ses 5 nanosatellites – le 6ème n’ayant pu être détaché du lanceur par manque de puissance en fin de tir –, cette constellation destinée à faire un suivi photométrique des étoiles les plus brillantes a engendré plus de 250 publications. Parmi lesquelles (si on ne doit en citer qu’une), la découverte et le suivi temporel sans précédent de Nova Carina !
Une constellation optimisée pour l’étude des étoiles variables

Le projet BRITE consiste en une constellation de 5 nanosatellites – le 6ème n’ayant pu être libéré – lancés sur orbites polaires basses (600-900km) entre février 2013 et août 2014. Il a été développé par un consortium de trois pays, l’Autriche, le Canada et la Pologne, dont chaque partenaire national avait la responsabilité de réaliser une paire de nanosatellites.
Chaque nanosatellite de 20 cm3 et 7 kg inclut une charge utile comprenant un télescope de 19 cm de long et 3 cm de diamètre avec un détecteur à son foyer, le tout stabilisé sur 3 axes par un système miniaturisé de roues à inertie. L’objectif scientifique étant de réaliser un suivi temporel photométrique d’étoiles les plus brillantes, massives et lumineuses, chaque satellite est équipé d’un filtre soit bleu [400-450 nm] soit rouge [550-700 nm], constituant donc une paire que chaque partenaire a développé. Avec son large champ de 24 deg2, chaque nanosatellite BRITE est capable d’observer en moyenne entre 15 et 30 étoiles en même temps.
Observer depuis l’espace est salutaire dans le cadre de l’étude des étoiles brillantes, d’une part pour s’affranchir de l’atmosphère terrestre, des cycles jour-nuit et de la pollution lumineuse, et d’autre part, parce que les grands télescopes sur Terre étant conçus pour détecter la lumière d’objets peu lumineux, ils seraient trop rapidement saturés. Il fallait dont un projet spatial dédié : la constellation BRITE.
Explorer le bestiaire stellaire
Les étoiles naissent d’un nuage moléculaire géant et leur évolution va être déterminée très tôt selon les propriétés de leur lieu de naissance. Une étoile naissant dans un milieu comportant peu de masse deviendra une étoile brune, et vivra une longue et insipide existence pendant des milliards d’années. À l’inverse, si une étoile reçoit beaucoup de masse au départ (des dizaines de fois la masse du Soleil), elle vivra une vie bien plus rapide et trépidante avant de devenir une supergéante rouge puis d’exploser en supernova. Des restes de son explosion, il ne restera alors qu’une étoile à neutrons ou un trou noir pour les plus massives. Cette évolution stellaire engendre de la variabilité à toutes les étapes et est ainsi au cœur du déploiement de la constellation BRITE.
En outre, certaines configurations stellaires telles que des étoiles évoluant dans un système binaire, d’autres entourées d’un disque de matière, ou des transits planétaires peuvent également amener à une variation de luminosité pour des raisons bien différentes explorées par BRITE.
Enfin, et non des moindre, de la même manière que l’écoute des séismes nous renseigne sur la structure interne de la planète Terre, étudier les oscillations stellaires nous renseigne sur la structure interne et les processus physiques à l’intérieur des étoiles. Ces variations-là vont être la source première de variabilité étudiée avec la constellation BRITE.
BRITE en 6 résultats marquants
Jusqu’à aujourd’hui, la constellation BRITE a observé 753 étoiles dans 79 champs, parfois visités à plusieurs reprises. Les campagnes d’observations d’un champ cible se sont étendues parfois jusqu’à 6 mois et certains champs sélectionnés ont été revisités chaque année. L’étoile la plus brillante observée est Canopus (V = -0.72 mag) et la plus faible (HD96265 : V = 8.03 mag).

© BRITE consortium

ι Orionis – l’étoile la plus brillante de l’épée d’Orion – est en réalité un système composé de deux étoiles massives (~35 fois la masse du Soleil) orbitant l’une autour de l’autre. Ayant une forte excentricité (e = 0.764) et une courte période orbitale (29.13376 jours), il s’agissait d’un candidat sérieux à l’observation de déformations dues à des effets de marées lorsque les deux étoiles sont au plus proche l’une de l’autre. Pour la première fois grâce à la constellation BRITE, une équipe impliquée dans le projet a pu détecter une variation de lumière en forme de battement de cœur sur une étoile massive, signature de ce phénomène de marées.
Pablo et. al. 2017
Le deuxième résultat porte sur l’étude de 25 Orionis, une étoile de type Be, c’est à dire entourée d’un disque de matière. Durant leur évolution, ces étoiles peuvent présenter un excès de moment angulaire qui était assez mal compris jusque-là. Avec le suivi effectué par BRITE, il a pu être conclu que les pulsations transportent du moment angulaire ce qui produit des éjections de matière.
Baade & Rivinius 2020


ß Pictoris est une étoile jeune relativement proche de nous, entourée d’un disque vu par la tranche dont la morphologie laissait penser qu’il contenait au moins une planète. Si des planètes ont bien été découvertes, dont ß Pictoris B en 2014 par une équipe impliquée dans BRITE, une planète 10 fois plus massive que Jupiter, la configuration géométrique ne permet pas d’observer des transits. Bien que les prédictions annonçassent que la sphère de Hill de ß Pictoris B allait passer devant l’étoile en 2017, il a été impossible de l’observer en photométrie. Néanmoins, BRITE avait ainsi fait une campagne d’observation de 231 jours pour essayer de l’observer et cette longue série temporelle a permis de déterminer la masse et le rayon de l’étoile à ~2% près !
ß Lyrae est un système binaire un peu spécial dans lequel les deux étoiles sont en interaction et se transfèrent de la masse. Des observations réalisées dans les deux filtres, il a été possible de remarquer que les variations dans le rouge sont plus grandes que celles dans le bleu. L’explication proposée réside dans le fait que ce pourrait provenir d’un disque d’accrétion que l’astre le moins massif des deux pourrait présenter. Bien qu’il y ait une longue série d’observations de cet objet-là, il n’a cependant pas été possible de confirmer cette hypothèse et cela mériterait d’être exploré davantage dans de futures missions.
Rucinski et al. 2019


Bien que BRITE n’était pas conçu pour faire de l’astérosimologie des géantes rouges lumineuses, 23 étoiles de ce type-là ont été observées entre les magnitudes 1.6 et 5.3. De ces séries temporelles photométriques, il a été possible de mesurer la granulation et les échelles de temps d’oscillations afin de déterminer les gravités de surface et les masses depuis les oscillations stellaires.
Kallinger et al. 2019
À l’occasion d’une recherche de nouveaux candidats en 2018, l’équipe BRITE avait sélectionné l’étoile HD92063 dans la constellation de la Carène. Après quelques jours observations, une étrange variation de lumière a été détectée dans les données, qui, suite à toutes les vérifications, ne provenait pas des instruments. Il s’avérait en fait qu’une nouvelle étoile (V 905 Car) était apparue dans le même champ que l’étoile observée. Il s’agissait d’une nova (Nova Carina), un phénomène provenant soit d’une paire de naines rouges en train de fusionner ou soit d’une étoile blanche en couple avec une autre étoile.
Aydi et al. 2020

Toutes les publications liées à la constellation BRITE sont à retrouver ici.

Konstanze est professeur et expert en astérosismologie des étoiles pré-séquence principale et préside l’équipe exécutive scientifique de la constellation BRITE.