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Les enjeux

Traditionnellement réservé aux grandes agences spatiales, l’accès à l’espace s’est largement ouvert à un nouveau panorama d’acteurs à la fin du 20ème siècle à travers l’avènement du mouvement NewSpace. Cette nouvelle approche mettant l’accent sur la réduction des coûts, des délais plus courts et un développement technologique plus rapide facilite l’accessibilité à l’espace et la diversification des protagonistes. La façon de concevoir des projets spatiaux a ainsi été complètement repensée, autorisant notamment une plus grande prise de risque, ce qui est un catalyseur certain pour l’innovation technologique.

Cette évolution exhibe ainsi quelques avantages tout à fait séduisants auprès du secteur privé donnant la possibilité à des entreprises de toutes tailles, portant des dispositifs technologiques novateurs à tous les maillons de la chaîne, d’émerger ou à des investisseurs de se positionner sur des enjeux stratégiques. Le NewSpace constitue ainsi de véritables enjeux économiques et commerciaux, autant pour les fournisseurs que pour les clients qui peuvent ainsi développer des projets à un tarif compétitif.

Avec le NewSpace, une tendance a naturellement émergé : la miniaturisation des satellites, soit en d’autres termes, les nanosatellites. Parfois montés par cubes (ou unités) de 10cm de côté – on parle dans ces cas de cubesats dont la taille est référencée en unités (1U = 1 cube de 10cm3) – les nanosatellites sont plus généralement des satellites de moins de 50kg.  


Si la majorité des nanosatellites universitaires développés depuis deux décennies sont à visée essentiellement pédagogique, des projets de nanosatellites de recherche scientifique font leur apparition dans le paysage depuis quelques années en France et dans le monde sur des thématiques très diverses (climat, exoplanètes, veille spatiale, magnétisme terrestre, physique stellaire, radio-astronomie, …). Cet intérêt croissant peut également se lire chez les agences spatiales qui, au cours des dernières années ont financé des projets voire lancé des programmes de nanosatellites. C’est par exemple le cas de l’ESA, qui, en 2016, lança un appel d’offre pour des nanosatellites d’accompagnement de la sonde HERA, destinée à étudier in situ le résultat de l’impact de l’engin DART de la NASA – lui-même ayant largué le nanosatellite LICIACube – sur l’astéroïde Dimorphos. Dès lors, l’ESA envisage des nanosatellites pour accompagner ses missions d’exploration. Cette politique a notamment eu le mérite de permettre à de nombreux pays d’initier une activité spatiale grâce aux nanosatellites, soutenus par l’ESA et les agences nationales (Luxembourg, Estonie, Pologne, …). En parallèle, l’ESA crée des lignes de programme dédiées (Fly Your SatelliteESA Academy…) et des projets dans des programmes existants (M-ARGO dans le General Support Technology Programme). Pendant ce temps, la NASA associe des nanosatellites, dont certains scientifiques, à pratiquement tous ses lancements, et finance également des lancements dédiés. Au Japon, l’agence spatiale japonaise JAXA lance en 2023 JAXA-SMASH (Small satellite rush program), un programme de recherche et développement visant à encourager les universités et les entreprises privées à collaborer à la réalisation de nanosatellites. Tandis que ces grandes agences spatiales montrent une compréhension de la révolution s’opérant dans le domaine du spatial et exhibent une vraie volonté de développement des nanosatellites, la France, via le CNES, conserve une certaine forme de timidité. Le CNES a bien lancé les programmes de nanosatellites Janus puis Nanolab Academy mais sa politique ne resta jusque-là que purement pédagogique. À cela s’ajoute que la France ne participe que peu au financement des programmes nanosatellites de l’ESA. En conséquence, malgré le dynamisme des communautés scientifiques impliquées, malgré de nombreux jeunes chercheurs et ingénieurs formés aux technologies des nanosatellites, et l’existence d’une multitude de projets de nanosatellites scientifiques français, ceux-ci restent en compétition inégale avec les instruments embarqués sur les missions traditionnelles et très peu d’entre eux peuvent accéder à des financements ainsi qu’aux moyens humains et matériel des laboratoires. Plus largement, la France ne présente pas non plus d’héritage notoire de contributions aux nanosatellites scientifiques européens, les contributions françaises s’arrêtant au niveau de la mission-mère dans le cadre d’HERA.


Un constat est ainsi évident : la filière des nanosatellites scientifiques en France souffre cruellement de l’absence d’un programme spécifique national, comme il en existe ailleurs dans le monde. Faute d’un tel guichet dédié, les porteurs de projet doivent effectuer un montage budgétaire complexe en recherchant des financements dans de multiples directions (régions, ANR, ERC, universités…), dont les conditions et les calendriers sont très variables, en agrégeant de nombreux petits financements pour atteindre le budget global nécessaire. Cette situation entraîne plusieurs types de conséquences inconvenantes, la plus cruciale étant qu’il existe une incertitude permanente sur le plan de développement des projets, ce qui amène à des difficultés de management manifestes et des durées totales de développement en contradiction criante avec les enjeux-mêmes du New Space. En outre, de nombreux projets se retrouvent dans la nécessité dans la plupart des cas de revoir à la baisse leurs ambitions, tout en les complexifiant parfois, en fonction des financements trouvés. Dans ce contexte, il est ainsi impossible de proposer une stratégie scientifique globale optimisée au niveau de la Fédération Nanosats alors que cet effet de synergie est une attente importante de ses membres.

Pour toutes ces raisons, la Fédération Nanosats plaide fortement pour la mise en place d’un programme national de nanosatellites scientifiques, doté d’un budget récurrent, idéalement piloté par le CNES, fonctionnant sur le principe d’appels d’offres annuels. Ce programme, pour être efficace, devrait disposer d’un budget suffisant pour pouvoir financer le lancement d’au moins un nanosatellite par an au niveau national, soit environ 3 à 5 M€ annuels. Ce budget représenterait ainsi 30 à 50 M€ sur la décennie soit l’équivalent d’une contribution scientifique spatiale moyenne pour un effet de rayonnement 10 fois plus important et un élan scientifique et technologique nouveau. Ceci entraînerait en outre une véritable inspiration pour les jeunes ingénieurs et chercheurs formés dans les programmes de formation des centres spatiaux universitaires et des programmes pédagogiques du CNES.

Au-delà du programme Scout d’observation de la Terre, et afin que les équipes françaises puissent répondre aux appels d’offres de l’ESA, il est souhaitable que la France contribue aux programmes nanosatellites de l’ESA, par exemple au General Support Technology Programme et VOLT, comme le font déjà plusieurs pays européens.